Le talent n'a pas de genre

Le talent n'a pas de genre mais il est humain. C'est en effet une manifestation de notre humanité. Par humanité, je veux dire la totalité des êtres humains, leur nature et leurs comportements.  

L'humanité s'exprime de différentes façons. Je laisse les philosophes développer le sujet selon leurs orientations et leurs écoles. Une humanité qui n'est ni divine, ni animale, même si elle partage avec le monde animal des caractéristiques physiologiques.

Dans l'entreprise, quand on pense humanité, on pense ethnie, religion, âge, nationalité, et genre -au sens large du terme. Mais aucune de ces caractéristiques n'a de conséquences sur la présence de talent. Le talent est une habileté qui permet d'accomplir des résultats exceptionnels. Un talent est la capacité d'un individu à exceller dans une activité particulière. Jacques Brel disait que le talent est « l'envie de faire quelque chose ».  Le talent accélère l'apprentissage mais il ne remplace pas le dévouement, la pratique et la discipline pour réussir. Il n'est pas magique. 

Il y a différents talents qui existent dans tous les domaines de la vie. On peut observer le talent chez l'artiste, le chef cuisinier, le pilote formule 1, le mathématicien ainsi que dans le monde de l'entreprise. 

En 1997, Steve Hankin qui travaillait pour McKinsey, inventait l'expression "The war for talent" (La guerre du talent). Cette expression est reprise en 2001 avec la publication du livre "La guerre du talent" écrit par Ed Michaels et collab. 

Les auteurs y définissent le talent comme : «la combinaison d'esprit stratégique pointu, de capacité de leadership, de maturité émotionnelle, de compétences en communication, de capacité d'attirer et d'inspirer d'autres personnes talentueuses, d'instincts entrepreneuriaux, de compétences fonctionnelles et de la capacité de produire des résultats. »

Depuis la publication du livre, l'utilisation du mot « talent » comme synonyme d'employé est devenu très en vogue. Je trouve que c'est une généralisation du terme talent, et une idée du talent plus proche de la productivité que de la capacité d'un individu à exceller dans une activité particulière. En général, quelqu'un qui possède un talent est plus productif s'il trouve un intérêt et une motivation à être productif.

Bien sûr que les entreprises veulent accueillir les gens les plus compétents, mais leurs capacités doivent être liées aux besoins de l'entreprise. Par exemple, si je suis un peintre excellent ça ne fera pas nécessairement de moi un excellent ingénieur logiciel. Et comment les entreprises reconnaissent-elles et cherchent-elles le talent ?  La combinaison des talents complémentaires dans l'entreprise est un facteur de succès, mais on a tendance à employer des gens qui nous ressemblent, s'y ajoute les préjugés des recruteurs. Ce qui veut dire que la  partialité et les stéréotypes existent dans le monde mais aussi dans l'entreprise, même s'ils sont parfois inconscients.

Très rarement le talent peut immédiatement être attesté et validé. Les processus pour sélectionner les candidats les plus appropriés pour une poste sont discutables et pas impeccables.  Souvent, la description du poste est pauvre, et les employeurs n'ont pas identifié quelle sorte d’expérience et d'habilités seront les meilleurs pour l'emploi.  Ainsi on prend rarement en compte la possibilité de transférer les compétences. Par exemple, une capacité comme celle de résoudre des problèmes complexes, peut être appliquée dans des domaines, des industries ou même des situations différentes.

Alors, ce n'est pas surprenant que les entreprises commencent à mettre en place des pratiques nouvelles autour de la gestion des talents. Johnson & Johnson a adopté l'intelligence artificielle (AI) pour sélectionner les CVs les plus propices.

En 2014, les universités de Toronto et Minnesota ont fait une recherche et la conclusion a été que les algorithmes sont plus précis pour prédire la performance au travail. En effet, les êtres humains peuvent obtenir des informations de la part des candidats mais ils ne sont pas experts dans l'évaluation et la pondération des résultats. On utilise les informations de manière incohérente, on peut être égaré par des détails insignifiants ou par des remarques arbitraires des candidats - détruisant ainsi l'effort pour établir la valeur du candidat. Les auteurs conseillent donc de laisser la sélection aux ordinateurs plutôt qu'aux humains, en tout cas pour la première sélection.

Mais même les ordinateurs -parce que les algorithmes sont créés par des humains- peuvent perpétuer des préjugés !

Alors ... quelle est la solution ?

D'abord, on doit augmenter le nombre des candidats et la diversité des profils : âge, ethnie, nationalité, et genre !  Il ne s'agit pas de baisser les standards ou de faire des concessions sur les compétences ou les habilités. Il y a des secteurs et des métiers qui sont traditionnellement masculin ou féminin. Par exemple, j'ai travaillé toute ma vie dans la technologie où la vision des rôles est étroite. On pense souvent que tous les professionnels dans ce domaine ne sont que développeurs de systèmes ou ingénieurs.  En réalité, il y a une variété de rôles à proposer.

L'université est traditionnellement vue comme un environnement féminin mais dans les départements de mathématiques, par exemple, c'est une histoire différente.  C'est pourquoi à l'Université de Melbourne (Australie), l'École de Statistique de la Faculté des Sciences a décidé de n'accepter que des femmes candidates pour trois postes de mathématiques. Oui, c'est de la discrimination positive ! Ce n'est pas la première fois que l'école fait ça. Déjà, l'année dernière, le directeur de l'école voyait cela comme un moyen de « donner un nouvel élan à l'égalité à travers de nouveaux modèles dans l’école ».

Ensuite, on doit devenir plus conscient de nos stéréotypes. Le test implicite d'association (TAI) mesure les attitudes implicites, c'est-à-dire les processus cognitifs dont une personne n'a pas conscience, par exemple, des stéréotypes. Des études utilisant les résultats du test implicite d'association (TAI) ont montré que la plupart des gens ont tendance à associer les hommes à la science et les femmes aux arts, les hommes à la carrière et les femmes à la maison et voient les hommes comme des leaders et les femmes comme des subalternes.

Pour les personnes qui trouvent encore que les stéréotypes sont justifiés, elles pourraient suivre le concept adopté par les orchestres symphoniques qui ont amélioré l'inclusion en écoutant les candidats sans les regarder pendant l'audition. C'est à dire les candidats démontrent leur talent sans qu'on sache leur genre.  On pourrait également lire les CVs sans voir les noms, ou présélectionner à l'aveugle un candidat en lui faisant résoudre un problème.

Dans la technologie ou dans les conseils d'administration, les femmes ne sont pas bien représentées, on engage peu de femmes et il est plus difficile pour elles, une fois dans l'entreprise, d'obtenir des promotions. C'est peut-être la même chose avec d'autres stéréotypes comme la nationalité et l'âge. Les frontières n'existent presque plus avec la mobilité de professionnels dans un marché du travail mondial. Le talent n'a donc pas de nationalité ou d'ethnie. La plupart de personnes âgées, les plus de 60 ans, se sentent plus jeunes que leur âge et veulent rester investis dans leur travail.  Pourquoi ne pas profiter de leur expérience ? Le talent donc n'a pas d'âge. 

Si l'on est d'accord avec l'idée que le talent n'a pas de genre, il faut progresser vers les critères d'inclusion, et établir l'égalité d'emploi, d'opportunité de promotion et la parité des salaires.

  

 

 

        

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